Les travailleurs autonomes dans le dialogue social européen : retour sur le débat
Lors d'un débat organisé le 18 juin 2019 à Bruxelles, POUR LA SOLIDARITÉ et Smart se sont intéressés à la place des travailleurs autonomes dans le dialogue social européen, une question cruciale suite à la transformation du marché de l’emploi. Retour sur cet événement (organisé dans le cadre de l'AG de la coopérative Smart) qui suit la publication d’une étude coéditée par PLS et Smart sur le sujet.
Sarah de Heusch (Chargée de projet Smart) a tout d'abord mis en avant la transformation du marché du travail et l’accroissement d’une zone grise de l’emploi au cœur de laquelle se trouve le travailleur autonome, sujet central de l’étude co-éditée par PLS et Smart. Cette position cristallise les problèmes auxquels différentes formes contractuelles sont confrontées, telle une double insécurité (économique et d’accès à la protection sociale).
Pascale Charhon, auteure de l’étude, a alors pu mettre en évidence un environnement réglementaire complexe et un manque de compréhension de la part des administrations nationales. Cet environnement complexe est accompagné par une connaissance parcellaire des syndicats et des organisations professionnelles défendant les travailleurs autonomes. Finalement, malgré le souhait des répondants pour un plus grand échange d’informations entre pairs, ces dernier.e.s ont du mal à appréhender les institutions européennes.
Pascale Charhon a présenté trois catégories d’acteurs qui défendent les travailleurs autonomes à l’échelle européenne : les organisations du dialogue social européen, les organisations professionnelles promouvant l’entrepreneuriat individuel, les organisations de la société civile liées à la protection des droits de la personne. Cependant, ces acteurs ne représentent pas les travailleurs autonomes dans leur spécificité.
Par la suite, deux types de négociations collectives pour les travailleurs autonomes ont été présentées par Ludovic Voet, intervenant de la CES : la première se limitant à des professions ou à des secteurs spécifiques (journalistes, acteurs, etc.) ; la seconde étant mise en œuvre sous le prisme du travailleur indépendant, bien qu’il soit en réalité économiquement dépendant (notamment dans le cadre de l’économie de plateforme).
Socle européen des droits sociaux
Il faut au minima assurer l’application des 20 principes clés du socle européen des droits sociaux (en décembre 2018, la Commission a adopté une recommandation sur l’accès à la protection sociale pour les travailleurs salariés et indépendants). Ce socle est l'objet d'une Note d’analyse de PLS, qui en évalue les limites.
L’orateur est favorable à l’inclusion tant des travailleurs autonomes que des indépendants, au dialogue social européen ; et à une harmonisation vers le haut des droits sociaux.
Par ailleurs, Sandrino Graceffa (administrateur délégué Smart) a mis en avant deux pièges. Premièrement, Smart ne peut se substituer aux organisations syndicales. Même si l’on peut leur reprocher de trop se centrer sur le travailleur salarié classique ; il faut créer des alliances entre les syndicats et le monde associatif. Deuxièmement, le travailleur autonome ne correspond plus à la vision dualiste du travail : il ne s’agit ni d’un travailleur subordonné classique ni d’un entrepreneur individuel. Cependant, créer un troisième statut spécifique ne semblerait pas être la solution.
Selon Sandrino Graceffa, il faut évoluer vers un statut post-subordination. Il serait nécessaire de transformer les représentations inappropriées ; démontrer la possibilité d’un accès au régime général de sécurité sociale et travailler pour dépasser les postures.
Lors de ce débat, l’ensemble des intervenant.e.s ont partagé le constat suivant : les cadres représentatifs du marché de l’emploi ne sont plus adaptés. Les acteur.rice.s du débat ont aussi souligné la nécessité d’assurer la représentation des travailleurs autonomes, dans leur spécificité. Finalement, concertation et collaboration entre les acteurs défendant les intérêts des travailleurs autonomes, ont été les maîtres-mots de ce débat enrichissant.